viernes, 3 de enero de 2014

Il est l'heure de moderniser le langage juridique

Récemment, au cours d'un débat international sur Linkedin, un avocat nord américain posait à plusieurs de ses collègues la question suivante: le jargon juridique, oui ou non?

La complexité du langage juridique n'est plus à démontrer, avec un niveau de technicité élevé et truffé d'expressions latines ou d'autres manifestement archaïques, de termes ambigus ou encore quasi-identiques répétés de manière constante... Devant un tel panorama, il convient aujourd'hui de se demander s'il est possible -et souhaitable- de moderniser celui-ci.


En observant le langage juridique employé dans le monde anglo-saxon et en particulier la terminologie utilisée dans les contrats nord-américains, l'absurdité de tant de verbiage inutile saute aux yeux. De plus, en de multiples occasions, cela nous embrouille plus qu'il nous éclaire. C'est de ce constat qu'est naît de l'autre côté de l'Atlantique un mouvement dénommé « Plain Language Movement», qui milite pour minimiser l'usage du « legalese », le jargon juridique. Celui-ci n'est plus considéré aujourd'hui comme un simple mouvement, se convertissant en un véritable commerce, une industrie, étendant son influence au secteur public et à la politique.


Initialement, l'argument en faveur de l'usage du « plain language » (« langage simple ») et d'un langage juridique plus clair, était perçu comme un instrument qui apporterait des bénéfices à la société, car il contribuerait à faciliter l'accès des citoyens à la justice et donnerait la possibilité aux consommateurs d'être mieux informés. Son ascension est imparable et il fait de plus en plus d'adeptes chez les professionnels du secteur juridique, et même chez certains Juges et Magistrats nord-américains.


On peut facilement se faire une idée de son impact: des consultants et des formateurs instruisent au sujet du « plain language » dans des facultés de Droit et des organismes fédéraux, un grand nombre de cabinets d'avocats incorporent des techniques de rédaction « simples », et la propre « Security & Exchange Commission » (« SEC ») -organisme qui régule le marché des valeurs aux Etats-Unis-, a approuvé une réglementation avec des exigences précises en ce qui concerne l'utilisation d'un langage clair.


Les principaux défenseurs de ce mouvement appellent à la simplicité; celui qui emploi la terminologie juridique ne doit pas uniquement s'adresser à d'autres avocats ou juristes mais aussi à des personnes novices en Droit. Ils argumentent que, s'il est certain que les termes techniques (« terms of art ») sont propres et identifient une profession bien déterminée, il faut aussi convenir que le langage évolue et doit s'adapter à notre époque.


Pour mentionner quelques exemples du « legalese » dans les pays anglo-saxons et les systèmes juridiques de « common law », je ferai en premier lieu référence à l'usage d'une multitude de locutions adverbiales désuètes (exemple Aforesaid, herein, henceforth, thereto, thereon...), qui sont facilement remplaçables par des adverbes équivalents. De la même façon, dans les pays qui ont un système juridique de Droit Civil nous pourrions nous passer de certaines expressions éculées. Celles-ci, malgré la transformation et la simplification du langage, continuent à faire partie du vocabulaire de nombreux professionnels du Droit, -parfois contraints de les employer dans certaines occasions-, mettant ainsi en exergue la rigidité et l'immobilisme du langage juridique.


De plus, les détracteurs du jargon juridique outre Atlantique sont partisans de limiter l'usage des phrases subordonnées et des constructions à la voix passive. Ils préconisent plutôt l'emploi de phrases simples et de préférence à la voix active. Par chance, l'auxiliaire «shall » servant à exprimer l'obligation est aujourd'hui tombé en désuétude -du fait de son ambigüité- et a été remplacé par «must ».


Si les longs paragraphes, clauses ou autres dispositions interminables rendent franchement difficile la lecture pour les avocats étrangers et les traducteurs juridiques, il en va de même pour les propres avocats anglo-saxons qui parfois peine à suivre sans perdre le fil. L'objectif est donc aussi d'éviter les termes ou autres expressions redondantes lorsque leur signification apparaît clairement plus avant.


Une autre particularité du langage juridique réside dans l'emploi d'expressions latines utilisées de manière abondante dans les actes judiciaires et les jugements. Il est évident que l'on peut se passer de, par exemple, « ab initio », « de lege ferenda », « erga omnes », « inter alia », « prima facie », etc. La majeur partie pouvant être remplacées sans hésitation, par le terme ou l'expression correspondante dans la langue en question.


Là où l'on constate le plus l'archaïsme et le conservatisme du langage juridique est dans une myriade de documents publics: législation et réglementation (générale), actes administratifs (particuliers), communications ou résolutions de l'Administration Publique, actes notariés, actes de procédure, jugements... Ceux-ci, pour la majeur partie destinés aux citoyens, devraient en toute logique être facilement compréhensibles, sans qu'il soit nécessaire d'inclure des termes superflus ou d'insister dans l'utilisation de mots techniques dépourvus de valeur.

Le Jargon juridique oui mais sans en abuser! Pourquoi compliquer et rallonger un texte juridique de façonartificielle  et  indéfinie  lorsque  l'on  peut  exprimer  exactement  la  même  chose  d'une  façon  beaucoup  plus simple? L'avocat représente son client et doit donc s'efforcer de mettre en place une communication Claire et nette, sans ornements ni fioritures excessives, aussi bien dans l'expression orale qu'écrite.

Que  ce  soit  imposé  par  une  norme  ­comme  aux  Etats­Unis,  avec  la  «  SEC  »­  ou  par  libre  choix  du professionnel  ­comme  dans  de  nombreux  cabinets  d'avocats  nord­américains­  autant  le  législateur  qui élabore une norme, le Juge qui fournisse la motivation d'un arrêt, l'avocat qui écrit une opinion juridique, rédige un contrat ou une plainte, tous devraient préserver, d'une part la singularité et la richesse du langage juridique, et d'autre part, dans la mesure du possible, obtenir la compréhension du public en général. Ce ne sont pas deux notions forcément incompatibles.

Il serait souhaitable que le professionnel du Droit apporte une note de fraîcheur et garde son style propre, montrant son habileté à la rédaction. En conjuguant originalité et correction grammaticale, syntaxique et sémantique, l'avocat ou le juriste a assez de liberté et de ressources linguistiques sur lesquelles s'appuyer sans être obligé de toujours s'en tenir à un modèle pré-établit.

Beaucoup souhaitent que ce courant de modernisation du langage juridique né aux Etats-Unis, continue à prendre de l'importance et étende son influence en Europe. Ce serait très certainement apprécié par tous, en particulier par les citoyens lambdas, qui se sentiraient plus proches de ses représentants légaux, auraient plus confiance en eux et, en définitive, améliorerait l'image de ceux-ci.

Comme toujours, les tendances anglo-saxonnes finissent par laisser leur empreinte sur le reste du monde. Pour l'instant, il existe différents pays (Australie, Nouvelle Zélande, Canada, Grande Bretagne, Afrique du Sud) où plusieurs cabinets d'avocats ont déjà intégré le «langage simple» dans leurs relations avec les clients.

Comme l'anglais est la langue utilisée dans le commerce à l'échelon mondial et que les transactions internationales ne cessent d'augmenter, je prévoie, sans nul doute, que nos collègues nord-américains seront à la tête d'un mouvement qui dépassera les frontières. Je pressens un vent de changement qui finira par s'étendre au langage juridique d'autres pays.